Culture et mécénat

Nous savons tous que la culture ne survivrait pas longtemps sans être soutenue par des privés ou des institutions d’état: peu de musées existeraient encore sans subventions, pas un concert ne pourrait avoir lieu sans sponsors, et rares sont les manifestations qui peuvent survivre sur leurs seules ventes de billets. Ce n’est pas nouveau, le mécénat existe depuis la nuit des temps, ou tout au moins depuis les romains ou les vénitiens.
Venise est une ville magnifique mais ses palais et ses façades se décrépissent à grande vitesse à cause  des vents, les pluies, la pollution, les pigeons et les montées des eaux. Et là aussi la réfection et le maintien coûtent des sommes trop élevées pour être absorbées par les collectivités publiques locales ou régionales seules, d’autant plus que l’économie de la ville ne tourne quasiment qu’avec le tourisme. Cela ne surprendra donc personne que le rafraîchissement de certains palais soit sponsorisé par de petites ou de grandes marques, ni que celles-ci inscrivent sur les bâches des échafaudages ou de grands panneaux leur soutien à ces travaux. C’est de bonne guerre.

Pont des Soupirs, il y a de quoi....

. . . . Pont des Soupirs, il y a de quoi....

Mais je dois avouer que quand nous sommes arrivés devant le Pont des Soupirs nous avons été complètement estomaqués: puis est monté un sentiment de dégôut devant tant d’horreur ! Non, la photo ci-jointe n’est pas un photo-montage pour un magazine de luxe, ni un exercice de photoshop pour un essai de graphisme ! C’est hélàs la pure vérité et même si j’ai volontairement choisi le grand angle pour montrer l’entier du panneau du sponsor, l’image reflète assez bien l’impression que nous a donné cette scène. Honnêtement je ne suis pas un fervent admirateur du Pont des Soupirs, qui jouxte le Palais des Doges, et ce n’est pas le genre de visites après lesquelles je cours quand je voyage, mais ce Pont est indubitablement un des symboles phare de la ville et surotut il est impossible de ne pas passer devant. Ce que l’image ne montre pas, c’est que ce panneau de pub se prolonge à gauche en faisant l’angle sur un des coins du Palais des Doges et couvre une bonne portion de sa façade côté mer; il est donc visible depuis des kilomètres à la ronde, comme on pourra le voir sur d’autres photos que je montrerai plus tard.

Pont des soupirs dans son environnement normal. Photo (c) aspengull

Je ne sais pas ce qui me choque le plus, si c’est l’impuissance de la municipalité qui autorise cette débauche de pub ou si c’est l’arrogance de la marque qui s’étale de la sorte. Mais je crois qu’en fin de compte c’est surtout contre la marque que j’en ai pour faire preuve de tant de mauvais goût, peut-être d’autant plus que c’est une marque suisse de luxe qui vend des articles qu’on peut quand même qualifier de raffinés. Il y avait plein de variantes possibles qui auraient été à mon avis plus classes: un simple blanc genre emballage à la Christo avec la marque en filigrane doré, une fausse scène historique, ou tout simplement comme beaucoup l’ont fait à Venise, une simple image de la façade telle qu’elle est sous les échafaudages. Mais tout ça était probablement trop simple et le résultat pour la marque est là: avec ses grandes lunettes à la Victoria Beckham et son flashy blue sky (il cielo dei sospiri) je parle d’elle alors qu’en d’autres circonstances je ne l’aurais probablement jamais mentionnée ici.

A part ça, Venise est une ville magnifique et j’aurai probablement l’occasion d’en reparler !

Pub mensongère ou non ?

L’autre jour sur le chemin du boulot j’ai vu cette pub pour une marque qui offre 10’000 km d’essence à l’achat d’une de ses voitures. Mon esprit scientifique et rigoureux a immédiatement été mis en alerte en voyant l’image qui illustrait l’offre et le reste du chemin je me suis mis à faire des calculs. Avec une consommation de 10 litres au 100 km – un peu plus élevée que la moyenne des voitures actuelles, mais c’est pour faire simple – une voiture consomme 1000 litres pour parcourir la distance de 10’000 km et 1000 litres en volume c’est 1 mètre-cube. Et lorsqu’on met un cube de 1 mètre d’arête à coté de la voiture illustrée sur l’image, que je peux dimensionner en sachant que cette voiture mesure 380 cm, c’est sûr que du coup ça fait nettement moins rêver. Une autre manière de visualiser ce volume d’essence est de remplir l’habitacle de la voiture, puisqu’on a 737 litres pour le coffre arrière, banquettes rabattues, avec l’espace avant ça devrait faire nos 1000 litres. Ou pour finir si on prend le cylindre de l’illustration et on considère qu’il a un diamètre égal à la hauteur de la voiture (153 cm), il devrait avoir une longueur de 54 cm pour contenir nos 1000 litres. Ceci dit, au prix de l’essence actuellement, même si le volume est rikiki ça reste une jolie ristourne.

Je pense qu’en pratique une pub ne devient mensongère que dans le texte, l’image n’est là que pour faire rêver, mais je reste étonné qu’on puisse laisser suggérer n’importe quoi, d’autant plus quand on sait que ce qui importe le plus dans un message n’est pas ce qu’on dit, mais la manière dont on le dit. Ce n’est pas d’hier qu’on nous manipule, mais certains jours ça m’interpelle plus que d’autres. Et pourtant j’aimerais finir sur un constat heureux: heureusement que pour parcourir 10’000 km on ne consomme pas autant que ce que nous suggère cette affiche !!!