Expérience de Milgram

Pendant mes années de collèges, un de nos profs nous avait entretenu de l’expérience de Milgram, qui avait suscité de grandes discussions et interrogations parmi mes condisciples, et c’était peut-être suite au visionnement au ciné-club d’I comme Icare, film de Verneuil dans lequel cette expérience est citée.

Milgram est un psychologue américain qui a montré au début des années 60 à quel point un individu pouvait abandonner ses principes moraux lorsqu’une autorité (scientifique dans le cas de ces premières expériences) le relève de ses responsabilités. L’expérience est simple: dans le cadre d’un projet pour améliorer l’apprentissage, un volontaire doit apprendre par coeur des associations de mots et à chaque fausse réponse qu’il donne, l’autre volontaire lui fait subir une décharge électrique, de plus en plus forte. En réalité, le premier volontaire est un acteur et aucun courant n’est appliqué.

A leur grande surprise, une majorité de participants (plus de 60%) a infligé des décharges électriques qu’ils savaient être à des niveaux très risqués, voire mortels, simplement parce qu’une autorité supérieure (le scientifique) leur autorisait à le faire et en assumait l’entière responsabilité.

Cette même expérience à été refaite dans un cadre un peu différent, présenté comme un jeu télévisé, avec un vrai public, et l’autorité scientifique est remplacée par une animatrice, devenue donc une autorité télévisuelle. Plus de 80% des participants sont allés aux limites des décharges, malgré les cris ou l’absence de réponse de l’acteur après les décharges les plus fortes, laissant à supposer qu’il pouvait même être mort. Et la raison de cette cruauté n’était même pas l’argent, puisque les candidats étaient engagés pour un pilote du jeu et ne gagnaient que 40 euros.

Si vous ne connaissez pas cette expérience, regardez ou enregistrez le documentaire qui passe sur France 2 mercredi 16 mars et qui vous montrera jusqu’où peuvent aller les candidats de la Zone Xtrême, et vous verrez ensuite la vie et l’humanité d’un autre oeil, et pas forcément avec plus d’optimisme.

Pour ma part, depuis qu’on m’avait parlé de cette expérience il y a très longtemps, je m’étais toujours promis de ne jamais plus céder aux pressions extérieures, quelles qu’elles soient, et j’ai toujours oeuvré en ce sens. Je n’ai aucune idée jusqu’où je serais allé dans la Zone Extrême, mais j’aime croire que je me serais arrêté assez rapidement. D’ailleurs, c’est peut-être une des rares faiblesses de cette récente expérience: le recrutement s’est fait comme pour n’importe quel jeu télévisé par une société spécialisée et les personnes selectionnées sont d’abord celles qui veulent passer à la télé, qui est déjà un pourcentage plus faible de la population. En réalité il n’y avait déjà quasiment aucune chance que je me retrouve sur ce plateau, l’idée de départ me paraissant déjà débile. Et j’ai beau travailler dans le milieu de la recherche, j’ose croire que je respecte certaines limites, même pour la beauté de la science.

Donc, si quelqu’un vous propose un jeu télévisé dans lequel vous risquez d’être tué par un autre concurrent, sachez qu’il y a plus de 80% que cela vous arrive rééllement, dès l’instant où la production dira à votre adversaire qu’elle en assume la responsabilité … Vivement les prochains jeux télé !